L’Afrique du Sud s’oppose à la taxe carbone européenne
L’Afrique du Sud a exprimé son mécontentement envers la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne (UE), accusant celle-ci de transférer injustement le coût du changement climatique sur les pays les plus pauvres. Le ministère sud-africain du commerce, de l’industrie et de la concurrence a adressé une lettre à la Commission européenne, citée par l’agence Bloomberg, dans laquelle il met en garde contre les effets de cette mesure.
La taxe sur les importations, visant notamment les secteurs jugés les plus polluants tels que le ciment, le fer et l’acier, l’aluminium, les engrais et l’électricité, sera introduite progressivement à partir d’octobre. Les importateurs devront déclarer la teneur en carbone de leurs marchandises et acheter des certificats pour se conformer aux règles appliquées aux entreprises produisant en Europe, afin de les inciter à réduire leurs émissions de CO2. Les premiers paiements ne seront cependant effectifs qu’en 2026, de manière progressive. En 2030, les importateurs s’acquitteront encore de seulement 50 % de la taxe théorique.
L’Afrique du Sud, dont environ la moitié des exportations dépendent du secteur minier et du charbon, estime que le dispositif est trop discriminatoire. Le pays évalue le coût potentiel à 1,5 milliard de dollars par an (soit 1,3 milliard d’euros). Le ministère du commerce fait référence à l’héritage historique imposé par la forte dépendance aux exportations de matières premières valorisées dans des pays tiers, un legs du passé colonial du pays. Selon le ministère, la décision européenne risque de compromettre la capacité de l’Afrique du Sud à atteindre ses objectifs climatiques, tout en accroissant la pauvreté et le chômage.
Le gouvernement de Cyril Ramaphosa a conclu en novembre 2022 un Partenariat pour une transition énergétique juste avec la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’UE et les États-Unis, assorti d’une enveloppe de 8,5 milliards de dollars de dons et de prêts concessionnels. Malgré cet accord, le débat sur la responsabilité historique des pays industrialisés persiste. Pretoria appelle à davantage de solidarité internationale pour soutenir sa décarbonation économique sans pénaliser son développement.
L’Afrique du Sud est le premier pays émetteur de gaz à effet de serre du continent et le treizième au niveau mondial. L’expert Europe à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), Nicolas Berghmans, suggère que l’UE pourrait désamorcer le conflit en démontrant sa capacité à financer les politiques climatiques des pays en développement. Cependant, jusqu’à présent, la proposition d’utiliser les revenus du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à cette fin a été écartée par les Vingt-Sept.
Selon une étude de la Banque mondiale, huit autres pays africains (Maroc, Tunisie, Égypte, Sénégal, Ghana, Cameroun, Zimbabwe et Mozambique) seraient particulièrement pénalisés par la nouvelle taxe carbone. Ces pays dépendent largement des exportations vers l’UE dans les secteurs touchés. Des évaluations communes de la Fondation africaine pour le climat et de la London School of Economics confirment les retombées plus importantes sur les économies africaines par rapport aux autres régions, en raison de l’importance de l’UE en tant que marché pour ces pays.
Bien que les critiques émises par le gouvernement sud-africain soient partagées par d’autres pays africains, l’UE n’a pas encore répondu favorablement à leur demande de prise en compte de leur situation particulière en matière de développement et de contribution marginale au dérèglement climatique. Cependant, le débat n’est pas clos, et les préoccupations des pays africains devraient être discutées lors du Sommet africain sur le climat, prévu du 4 au 6 septembre à Nairobi, où la question de la justice climatique sera au cœur des débats.