L’exemple paroxystique du Gabon

Mais il n’y a pas qu’en Afrique de l’Ouest que la couverture de l’actualité par les médias français fait grincer des dents, c’est également le cas en Afrique centrale. « En réalité, le problème est le même dans toute l’Afrique francophone », souligne un journaliste du Messager, un grand journal camerounais qui met en exergue l’attitude très différente entre les médias français et anglo-saxons. « Les journaux anglophones sont plus neutres, plus objectifs, plus nuancés. Ils donnent la parole à toutes les parties dans des proportions équivalentes. Et ils s’intéressent autant, sinon plus, au sujet de fond, que ce soit en économie ou en matière d’environnement ou de relations internationales, qu’aux questions de politique politicienne qui obnubilent les médias français », constate cette grande plume, aussi expérimentée que respectée.

En Afrique, le Gabon figure parmi les quelques pays à offrir un exemple paroxystique des travers des médias français. C’est la conviction, éclairée et argumentée, de ce journaliste de L’Union, le plus grand quotidien gabonais. « Dans notre pays, le parti pris des médias hexagonaux en faveur de l’opposition contre ce qu’ils appellent le pouvoir est flagrant. Cela se mesure aussi bien en quantité, c’est-à-dire au nombre d’articles produits ou de reportages réalisés, qu’en qualité, c’est-à-dire, dans le contenu, article par article, reportage par reportage », fait-il observer. C’est le cas en particulier de RFI. Une analyse mensuelle des reportages réalisés par la radio française montre une disproportion flagrante en faveur d’un camp politique (l’opposition) (lire nos articles ici et ici).

Analyses hors-sol

Il ne faut pas remonter bien loin dans le temps pour trouver un exemple de parti pris dans un journal français. Pas plus tard qu’avant-hier, ce lundi 3 avril, Le Point a publié une « analyse » au titre péremptoire : « Gabon : à quelques mois des élections, un climat politique tendu », qui a fait réagir le microcosme journalistique local, le seul à la lire. « L’article est bien écrit sur la forme. Mais sur le fond, il est très éloigné de la réalité, car il est à la fois partiel et partial. En fait, c’est très idéologique (…) Nous qui vivons dans le pays et en connaissons les subtilités mesurons combien le propos est hors-sol. »

Et celui-ci d’ajouter : « le journalisme, comme l’a indiqué le grand Pierre Lazareff (grand patron de presse, fondateur entre autres de France Soir, NDLR), c’est le point et le contrepoint. Or, dans cet article, seul le point de vue d’un camp est reflété », observe ce journaliste connu pour sa rigueur. « On n’est plus dans le cadre de l’opinion que de l’information », insiste-t-il.

Manifestement, il n’y a pas qu’en Afrique francophone que les journalistes hexagonaux sont critiqués pour leur couverture biaisée de l’actualité. Selon un sondage annuel élaboré par le très respecté Centre de recherches sur la vie politique française (Cevipof) rattaché à Sciences Po Paris, les journalistes sont la profession la moins aimée (pour ne pas dire la plus détestée) par les Français, derrière même celle d’homme politique. Non sans raison, manifestement…