Gabon : bientôt 300 milliards de dettes fictives annulés

Entre indignation et incompréhension, l’opinion gabonaise et les partenaires au développement s’interrogent sur la réduction drastique du montant de la dette dû aux entreprises. Initialement chiffrée à 750 milliards de francs CFA, les travaux de la task force d’Ali Bongo, débuté le 8 septembre 2020, ont permis à ce jour de faire annuler plus de 300 milliards FCFA de la dette aux entreprises. Selon nos informations, le bon dans le chiffre annoncé la semaine dernière est dû à l’annulation d’une dette d’environ 77 milliards de francs CFA dans le secteur du numérique.

À la demande du ministère de l’économie et des finances et après appel d’offres, la filiale gabonaise du cabinet PricewaterhouseCoopers avait conduit une évaluation de la dette du 17 décembre 2018 au 15 octobre 2019. Cet « audit sur pièce » consistait simplement en la vérification du dossier juridique et autres documents administratifs relatifs au marché concerné. A contrario, le présent audit effectué par la task force présidentielle s’assure de l’existence des livrables et procède à des vérifications sur site. Le succès de cette équipe semble reposer sur la composition de cette dernière qui regroupe non seulement des commissaires aux comptes, des experts des travaux publics, les régies financières mais surtout l’agent judiciaire de l’Etat et le procureur de la République.

« Plusieurs facteurs ont contraint certaines entreprises à revoir leur créance vis-à-vis de l’État. En plus des marchés obtenus en infraction du code des marchés publics, des chantiers non livrés ou surfacturés surtout dans le secteur des BTP et de l’ingénierie, beaucoup d’entre elles n’étaient pas à jour dans leurs cotisations sociales CNSS, CNAMGS et/ou fiscales » a commenté un membre de la commission de vérification de la task force qui a requis l’anonymat.

Les manœuvres de couloirs ministériels

L’efficacité de l’équipe des auditeurs de la task force présidentielle semble visiblement provoquer la panique au sein des organisations patronales et « chez les créanciers de l’État ». Selon certaines indiscrétions, plusieurs chefs d’entreprises craignant de ne pouvoir apporter la preuve des sommes dues auraient vite de chercher des « arrangements dérogatoires » auprès du ministère de l’économie et de plusieurs autres entités. Le but étant de ne pas avoir à se présenter aux auditions de la task force. « Ce n’est un secret pour personne que des hauts cadres à l’économie ou aux finances ont parfois des intérêts personnels dans des entreprises adjudicataires des marchés publics au Gabon » a déclaré Albert Koubangoye retraité du ministère du budget.

15% sur chaque paiement du « club de Libreville 7 »

En 2018, la signature d’une convention pour le règlement définitive de la dette intérieure avec le Club de Libreville 7 avait permis de décaisser environ 160 milliards au titre des premiers paiements au bénéfice des entreprises. Annoncé en grande pompe par l’ancien Directeur de cabinet Brice Laccruche Alihanga, le mécanisme est aujourd’hui à l’arrêt avec la suspension des échéanciers de paiement. La raison ? Une majeure partie des dettes, validées par l’équipe de l’époque, seraient totalement injustifiées.

De plus, un coup de tonnerre a frappé fort lors d’une des auditions de la task force. En effet, l’un des audités a déclaré avoir été approché à l’époque par des proches de l’ex « dircab » pour « accélérer son processus de remboursement ». Pour cela, il suffisait de reverser une commission de 15% sur le montant de la supposée dette. Cette pratique représenterait ainsi des rétro commissions d’environ 24 milliards de FCFA sur l’ensemble de l’opération.

Alors que cette convention et ses effets avaient été largement salués par les milieux financiers nationaux et internationaux, l’annulation de près de 1/3 de la dette intérieure laisse croire à une volonté manifeste d’annihiler les efforts de l’État en matière de bonne gouvernance.

Toujours selon notre source, l’Etat se préparerait à entrer en guerre judiciaire contre les entreprises indélicates mais aussi contre certains hauts cadres de l’administration.

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